A L’OMBRE DE VA VALLEE DE LA MORT
Ainsi
nous cheminerons toujours sans brut, et le monde tout autour marchera follement.
Avec
les oiseaux, nous chanterons
Et
nos chants et le leurs monteront au soleil,
Et
sans vesse le printemps soufflera dans sa flûte.
A la
mort nous dirons le drame de la vie,
Ce
drame dont jamais nous ne saurons la fin.
Ainsi
parlais-je aux vent et les vents de me dire :
«
Demande plutôt à la vie que en fut le début. »
alors,voilée
de brune, excédée d’ amertume,
mon
âme s’écria : « vers où, vers quoi allons-nous?
- va !
marche au fil des jours, lui conseillai-je.
- mais
qu’avons-nous récolté de nos marches anciennes?
Tel
une herbe fauchée, je m’affalais à terre,
Et
suppliai mon cœur de me donner une pelle :
«
donne, mon cœur, donne- moi ma pelle,
peut
être pourrais-je enfin creuser ma tombe
et
dans la nuit figée m’enterrer tout vivant. »
«
oui, oui, donne, mon cœur, donne-moi cette pelle !
regarde
tout autour les épaisses ténèbres
et
le triste brouillard pesant sur mes épaules.
Las !
las ! mon pauvre cœur, je t’en supplie, regarde
Comme
la coupe d’amour remplie au point du jour
Eclate
en milles morceaux dans mes deux mains unies.
Ma
jeunesse flouée n’est plus qu’un ombre morte,
Seule
m’en reste aux lèvres une plainte éternelle.
Je
t’en supplie, mon cœur, donne-moi donc ma pelle !
Toi
et moi, ô mon cœur, formons deux exilés
Qui
forgent de la vie un art triste et beau. »
«
tout au long de la vie, n’avons-nous point dansé,
et
tant et tant chanté au fil de la jeunesse?
Et
tant de nuit couru dans les voies de la vie,
Jusqu’
au voir le sang pus de nos pieds nus couler?
Ensemble,
n’avant-nous pas mangé tant de poussière
Et
tant de larme bues jusqu’à l’écoeurement?
Rêve,
amour, douleurs, désespoir et tristesse,
Nous
les avons semés partout où nous passons. »
Mais
de cela, mon cœur, qu’avons-nous récolté?
Me
voici ici-bas, loin des joies, loin du chant,
Qui
enterre mes jours dans le sombre néant,
Sana
même pouvoir les pleurer un seul instant.
Voici
que dans un morne et pénible silence
Choient
les fleures de la vie, une- à une à mes pieds.
O mon
cœur éploré, je t’en supplie, regarde !
Le
charme de la vie est déjà bien tari.
Alors
viens, mon cœur, viens vite auprès de moi,
Pour
que, sans plus tarder, ensemble nous fassions
L’expérience
de la mort.
LE PROPHETE MECONNU
O peuple !
que ne puis-je être bûcheron
Pour
abattre ma hache sur les troncs vermoulus?
Que
ne puis-je être torrent impétueux
Pour
tout importer sur mon passage,
Et
démolir tombeaux et sépultures?
Que
ne puis-je être comme le vent
Pou
terrasser, de mon souffle sinistre,
Tout
ce qui a pour mission d’étrangler la fleur?
Que
ne puis-je être comme l’hiver
Pou
planter ma morsure dans tout ce que l’automne a fané?
O peuple !
tu n’est au fond qu’un tout petit enfant,
Qui
joue avec du sable dans l’obscurité,
Une
force enchaînée par les ténèbres depuis la nuit des temps.
Ainsi
parlait un poète qui offrit aux hommes
Le
nectar de la vie dans la coupe la plus belle.
Mais,
irrités, les hommes sont détournèrent
Et
s’en furent, disant avec mépris :
« il
a perdu la raisant en fréquentant les djinns.
Combien
de fois, la nuit, n’a-t-il pas parlé aux la tempêtes,
Et
fait des confidences aux morts dans maints tombeaux !
Combien
de fois, uni à l’obscure forêt,
N’a-t-il
pas invoqué les âmes de toutes races !
Combien
de fois n’a-t-il pas conversé avec les démons de la vallée !
Eloignez
donc du temple cet affreux hérétiques,
Eloignez
cette source d’impureté. »
Ainsi
parlait un poète- philosophe
Qui
vécut malheureux parmi un peuple sot.
Ainsi il parla, pui s’en alla das la forêt ;
là-bas,
à l’ombre des pins, au pieds des oliviers,
il
passera sa vie.
Il
s’informera sur le parfum des roses de toutes les vallées,
Sur
le chant des oiseaux, le soir, quand ils se retirent,
sur le grondement des vents dans les gouffres profonds,
sur
les ruines du monde depuis la nuit des temps.
Où
donc le silence sidéral enterre-t-il ces chants,
Et
où se perdent-ils, quand arrive la nuit?
PRIERE DANS LE TEMPLE DE L’AMOUR
Douce
tu es, comme l’enfance, comme le rêve ;
Comme
une belle mélodie, comme le matin nouveau ;
Comme
la nuit étoilée, comme le ciel qui sourit ;
Comme
un bouquet de roses, comme un bébé qui rit.
Tu
es si pure que, devant ta pureté,
L’âme
de tout mécréant retrouve la foi ;
Si
frêle que, devant ta grâce,
La
consent à pousser dans le roc.
Qui
donc peut tu être?
Vénus
descendue se pavaner parmi les hommes, pour rendre jeunesse et lune de miel à ce monde moribond?
Ou
bien un ange du paradis venu sur terre,
Pour
ressusciter la paix des temps révolus?
Toi !
qu’est-ce donc toi?
Tu
es une forme géniale artistement dessinée par la vie.
Tu
es une aube de charme qui se leva sur mon cœur endolori,
Pour
lui montrer la vie dans la beauté épanouie,
Pour
lui révéler les secret de l’immortalité.
Tu
es l’âme du printemps,
Et,
devant ton pas si fier,
La
vie se charge de parfums enivrants,
Et
tout l’univers retentit de chansons.
Chaque
fois que de mes yeux je te vois évoluer,
D’un
pas rythmé comme un air mélodieux,
Mon
cœur bat à la vie et le fleur frémit ;
Dans
le champs de ma vie jusque là en jachère,
Mon
âme grisée d’amour, chante comme un rossignol,
Quant
ta beauté se laisse entrevoir.
Dieu,
que ton pas est beau ! ivre de musique ;
Dieu,
que ta voix est belle ! écho d’une flûte lointaine.
Chaque
fois que tu t’assieds,chaque fois que tu te lève,
Ta
souple taille éclate en pure mélodies ;
En
toi tout est en rythme : et cette gorge qui se retourne, et ce sein qui remue.
Toi !
oui toi !
Ah !
si tu savais, ma belle fleur, si tu pouvais savoir
Ce
qui se passe dans mon cœur esseulé.
Dans
ce cœur exilé s’édifient mille mondes,
De
charme et d’unique beauté,
Et
brillent mille soleils radieux.
Et
des étoiles répandent leurs lumières dans l’espace sans fin,
Et
renaît le printemps :
Rêve
d’un poète enivré du vin de sa jeunesse, et s’épanouissent mille jardins
Que
jamais ne connaissent ni nuit noire ni automne revanchard,
Et
s’ébattent mille oiseaux magiques,
Rivalisant
de chants,
Et
s’érigent mille palais,
Beau
comme un horizon teint au henné,
Souriant
comme le visage du matin nouveau-né,
Et
voguent des nuages, pétales des roses dispersés,
Et
vibre la vie du poème.
Ne
me rejette pas, ma toute de beauté.
Le
tout-puissant ne lapide jamais ses créatures,
Quand
prosternée, elles gisent à ses pieds.
(Hymnes à la vie)
Poèmes traduits par: Taoufik Baccar